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Municipalité de Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix

Attraits touristiques


         

L'histoire humaine de ce lieu unique qui perce les secrets de l'imposant édifice que représente la caserne du fort Lennox.

Pour informations, cliquez sur le lien suivant: Lieu historique national du Fort-Lennox (canada.ca)


    


  

  





L'île aux Noix


Située au milieu de la rivière Richelieu, à la hauteur du village de Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, l'île aux Noix faisait partie de la seigneurie de Noyan, concédée en 1733. En 1753, M. de Noyan la sous-conséda à Pierre Jourdenet, soldat de M. de Lorimier, moyennant un loyer annuel d'une "pochée de noix de l'île".

Les Français fortifièrent l'île en 1759 afin de faire face à une éventuelle invasion de la colonie par les forces anglaises. Les troupes britanniques l'assiégèrent en 1760. Inférieurs en nombre, les Français évacuèrent l'île de nuit, n'y laissant qu'une poignée d'hommes qui capitulèrent le lendemain. Le général Amherst ordonna de raser les fortifications françaises.

Les Américains l'occupèrent en 1775, lors du début de leur rébellion contre l'Angleterre mais l'abandonnèrent, minés par la maladie. Craignant une invasion américaine par le Richelieu, les Britanniques y érigèrent des fortifications importantes de 1778 à 1782.

Dans le cadre de la guerre de 1812, une bataille navale se déroula à proximité de l'île le 3 juin 1813. Alors qu'ils patrouillaient sur le lac Champlain, les navires américains Growler et Eagle s'engagèrent sur la rivière Richelieu et remontèrent jusqu'à proximité de l'île. Trois canonnières britanniques se lancèrent à leur assaut. Ne pouvant faire demi-tour à cause de l'étroitesse du chenal, ils furent lourdement endommagés pendant la bataille. Les Américains finirent par se rendre et les navires furent capturés, rebaptisés et intégrés à la flotte britannique. La présence sur l'île à cette époque d'un important chantier naval y amena l'établissement d'un village temporaire.

En 1819, toujours dans le but de se protéger contre une possible invasion américaine, on entreprit la construction du fort actuel, qu'on nomma Fort Lennox en l'honneur du gouverneur général Charles Lennox. On compléta les travaux en 1829. Les effectifs militaires y furent augmentés lors des Rébellions de 1837-1838. Plusieurs Patriotes faits prisonniers y furent temporairement incarcérés. En 1857, les soldats qui occupaient encore l'île se retirèrent et l'endroit abrita la première prison de réforme pour adolescents au Canada de 1858 à 1862.

Les militaires occupèrent à nouveau le fort Lennox à partir de 1862 lors de la guerre de Sécession américaine. Les troupes britanniques quittèrent définitivement le Canada en 1870. Le fort fut dès lors pratiquement laissé à l'abandon pendant plusieurs années.

Au début du 20e siècle, le capitaine Ben Naylor de Noyan y amena des excursionnistes à bord de son vapeur, le Majestic, qui effectuait le trajet Saint-Jean-Île-aux-Noix-Lacolle pour la somme de 0,40 $ aller-retour! Le site passa en 1921 sous la juridiction du ministère de l'Intérieur et devint lieu historique national.

Lors de la seconde guerre mondiale, on y interna des réfugiés d'origine juive provenant d'Allemagne et d'Autriche. À la fin du conflit, l'endroit servit quelque temps de colonie de vacances pour adolescents puis retrouva progressivement sa vocation récréative.

De 1970 à 1995, d'importants travaux furent effectués afin d'assurer la conservation des bâtiments. En 1972, on entreprit la réalisation d'un projet de centre d'accueil et d'embarcadère, à partir desquels opérerait un traversier se rendant à l'île aux Noix. L'inauguration eut lieu en 1978. C'est là une des particularités et des attraits de ce site historique: le visiteur y accède suite à une traversée de quelques minutes en bateau, histoire de réaliser qu'il remonte dans le temps.



Embarcadère du centre d'accueil
pour traverser à l'île aux Noix.


Administré par Parcs Canada, le fort Lennox accueille annuellement des dizaines de milliers de personnes. Il figure parmi les rares fortifications britanniques authentiques en Amérique du Nord. Ses structures originales sont demeurées intactes, les travaux qu'on y a effectués ne visant que sa conservation.


                                                    LE FORT LENNOX
                          SITE DE LA PREMIÈRE PRISON DE RÉFORME
                                     POUR ADOLESCENTS AU CANADA

Avant 1857, les jeunes citoyens du Bas-Canada s'étant rendus coupables d'infractions de nature criminelle étaient traités de la même façon et en vertu des mêmes lois que les adultes, au nom du principe de l'égalité de tous devant la loi. Les jeunes délinquants subissaient leur procès de la même manière que les criminels plus âgés. S'ils étaient condamnés, ils étaient incarcérés dans les mêmes institutions que les adultes, même s'ils n'avaient que 13, 14 ou 15 ans.

Vers 1850, de sévères critiques furent soulevées concernant le système d'enfermement des jeunes contrevenants. Une commission d'enquête fut chargée d'examiner la situation en vue d'adapter le système pénal à cette "clientèle" particulière. Ce n'est toutefois qu'en 1857 que fut adoptée la première loi canadienne concernant les jeunes délinquants. Celle-ci décrétait l'établissement de prisons de réforme pour les mineurs. Le fort Lennox, sur l'île aux Noix, fut désigné comme site de la première prison de réforme au pays.

47 jeunes détenus y furent ainsi amenés, le 22 octobre 1858. À la fin de cette même année, ils étaient 58 à occuper la grande caserne du fort. On n'avait, semble-t-il, effectué que peu de préparatifs pour la réception des prisonniers, si bien que les premières semaines se déroulèrent dans une désorganisation quasi totale.

La prison était officiellement non confessionnelle, même si deux chapelains, un catholique et un protestant, y dispensaient l'éducation religieuse et y enseignaient les matières de base. Des maîtres étaient aussi chargés de l'enseignement des métiers.

L'existence de la prison fut brève mais mouvementée: évasions (dans les premiers mois, 9 évadés furent repris, certains aux États-Unis, et ramenés au fort Lennox), conflits fréquents entre francophones et anglophones, scandales (le premier préfet de la prison, Andrew Dickson, fut accusé d'agression sexuelle sur une des employées).

À la fin de 1861, le bilan peu convaincant de l'expérience fit remettre en question la pertinence de loger plus longtemps les jeunes délinquants dans la forteresse militaire. On décida que le nouveau site de la prison de réforme serait dans la municipalité de Saint-Vincent-de-Paul. Le gouvernement fit à cet effet l'acquisition d'un bâtiment appartenant aux Soeurs-de-la-Providence. Les derniers jeunes détenus incarcérés au fort Lennox quittèrent l'île aux Noix au début de 1862.

 

     

                                Wolfred Nelson                          François-Xavier Prieur


Wolfred Nelson et François-Xavier Prieur, deux figures importantes des rébellions de 1837-1838, occupèrent successivement le poste de préfet à la prison de réforme de l'île aux Noix entre 1857 et 1862.


                               LE CHANTIER NAVAL DE L'ÎLE-AUX-NOIX

Lorsque débuta la guerre anglo-américaine de 1812, la flotte américaine était dominante sur le front Richelieu-Lac Champlain. Les chaloupes canonnières britanniques n'arrivaient plus à faire le poids. Or, les forces navales semblaient appelées à y jouer un rôle déterminant. Les Britanniques décidèrent donc de créer un chantier naval pour contrer les forces américaines sur le lac Champlain. Le site de l'île aux Noix fut choisi pour son importance stratégique, la rivière Richelieu étant une voie d'accès naturelle pour tout envahisseur potentiel.

L'activité du chantier débuta en 1813. On y construisit plusieurs navires de guerre et des canonnières. La production atteignit son point culminant en 1814 avec la mise à l'eau du HMS Linnet et d'une grosse frégate, le HMS Confiance. Doté de 37 canons, le Confiance fut le plus grand navire de guerre à naviguer sur le lac Champlain. Le chantier naval de l'île aux Noix était au Bas-Canada l'équivalent de celui de Kingston pour le lac Ontario. L'île aux Noix servait aussi de base navale. Ainsi, en mai 1814, une expédition britannique partit de l'île dans le but d'effectuer une attaque navale sur le chantier américain d'Otter Creek au Vermont. L'entreprise se solda toutefois par un échec.

Quant au Confiance, il ne porta pas chance aux Britanniques. À peine sorti du chantier, il prit part à une attaque navale contre les Américains dans la baie de Plattsburg. Faisant face à des vents contraires, son commandant, le capitaine George Downie de la Royal Navy, ne put le soustraire aux pièces de batterie américaines. Le navire fut capturé et Downie tué lors de l'affrontement.

Le chantier naval entraîna une activité intense sur l'île aux Noix. La garnison fut considérablement augmentée pour en assurer la protection. Un grand nombre d'ouvriers y résidaient avec leurs familles, y constituant un véritable petit village. Pour bien mesurer l'importance du chantier, mentionnons que le constructeur de navires John Goudie, de Québec, "procéda en 1815 à l'embauche de 283 ouvriers de la région de Québec, pour les envoyer travailler sur les chantiers de construction navale de l'île aux Noix et de Kingston" *(1).

La confrontation sur le lac Champlain prit fin en 1815 suite au traité de Gand entre les États-Unis et l'Angleterre. Les deux pays s'entendirent pour un désarmement dans les eaux frontalières. L'entente limitait chaque partie à un navire de guerre sur le lac, armé d'un seul canon.

Le chantier naval de l'île aux Noix poursuivit ses activités une fois les hostilités terminées, mais la production  diminua progressivement au fil des ans. Il ferma définitivement en 1834.

(1) Source: Georges Bervin, Québec au 19e siècle. L'action économique des grands marchands. Septentrion 1991.

éLe HMS Linnet, construit au chantier naval de l'île aux Noix en 1814, jaugeait 350 tonnes et était armé de 16 canons.


Le HMS Confiance, construit au chantier naval de l'île aux Noix en 1814, était doté de 37 canons.


 UN CAMP D'INTERNEMENT POUR RÉFUGIÉS JUIFS AU FORT LENNOX

Vers la fin des années 1930, alors que s'installait en Allemagne le régime nazi et que le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale devenait de plus en plus évident, de nombreux Juifs allemands et autrichiens avaient fui vers la Grande-Bretagne. Lorsque le conflit mondial éclata, en septembre 1939, les autorités gouvernementales britanniques révisèrent sur-le-champ le statut des ressortissants allemands et autrichiens vivant sur leur territoire. En 1940, tous les hommes d'origine allemande et autrichienne de 15 à 65 ans vivant en Grande Bretagne furent internés. On décida, par mesure de sécurité, de les envoyer dans différents pays du Commonwealth, dont le Canada. C'est ainsi que, de 1940 à 1943, environ 400 réfugiés juifs (tous des civils) furent internés au fort Lennox, que l'on désigna Camp I-41.

Les 273 premiers internés arrivèrent par train à Saint-Valentin en juillet 1940, escortés par des militaires lourdement armés. On avait, dit-on, averti la population du village de ne pas trop s'approcher, au cas où il se produirait des incidents. Les internés se rendirent à pied au quai du gouvernement à Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, où on les traversa vers l'île aux Noix par groupes de 35 à bord d'une barge autour de laquelle on avait disposé des barbelés. Des canots automobiles ayant à leur bord des militaires escortaient la barge.

On avait auparavant fait installer l'eau et l'électricité au fort Lennox. Des tours de garde avaient été érigées et trois lignes de fils barbelés installées, avec un corridor entre chacune où les sentinelles pouvaient se déplacer. L'eau provenait d'une citerne installée sur un rempart.

La grande caserne du fort Lennox abritait les dortoirs et les salles communes pour les détenus. Le chauffage était dispensé par d'imposants poêles au charbon. L'étage du corps de garde servait d'infirmerie. Les bâtiments permanents servaient aux officiers tandis que des constructions temporaires en bois, érigées dans le champ de parade, servaient de logis aux militaires subalternes et abritaient les cuisines.

Le commandant du camp était le sergent-major J. Breslin, un militaire à la retraite qu'on avait rappelé de la réserve. Il possédait, paraît-il, une voix si puissante qu'il figeait littéralement sur place les nouveaux arrivants. C'était au demeurant un homme plutôt sympathique, qui garda contact avec certains prisonniers après la guerre. La surveillance des lieux était confiée à la Veterans Guard of Canada, un groupe de vétérans de la Première Guerre mondiale placé sous l'autorité du ministère de la Défense nationale à Ottawa.

La vie au camp était plutôt routinière et monotone. Les internés n'étaient pas maltraités et plutôt bien nourris. Ils préparaient eux-mêmes leurs repas et pouvaient se procurer des denrées casher. Certains travaillaient pour quelques sous par jour à fabriquer des filets de camouflage. D'autres étudiaient grâce à des volumes scolaires fournis par un organisme de bienfaisance. Plusieurs passèrent même avec succès leurs 11e et 12e années pendant leur internement.

Pour traverser sur l'île durant l'hiver, on avait installé sur la rive, près du quai du gouvernement, un treuil activé par un moteur. Celui-ci était relié par un câble à un mât dressé au nord de l'île aux Noix. Ce système permettait de faire progresser une barge en bois. On pouvait ainsi traverser même lorsque le Richelieu était immobilisé par les glaces.

Comme les internés n'étaient pas vraiment dangereux, la discipline fut assouplie à partir de l'été 1941 et les barbelés disparurent. Avec le temps, certains d'entre eux furent libérés à condition d'être parrainés. À la fin d'octobre 1943, le camp de l'île aux Noix était le seul camp de réfugiés encore en opération au pays. On décida de le fermer définitivement. En juillet 1944, le ministère de la Défense nationale remit officiellement l'administration du fort Lennox au Service national des parcs. Le site retrouva dès lors son statut de lieu historique national acquis en 1921.


                      Les internés du camp pour réfugiés juifs du fort Lennox rassemblés derrière des fils barbelés


(Source des photos et textes historiques: M. Roger Langlois)


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